Penser les autres

“Il pensait dans les autres et les autres pensaient en lui. C’est ça penser juste”. Brecht

Quand j’écris, les autres pensent en moi.

Et, je les pense.

Penser à eux est ma matière. Les penser en moi est mon oxygène.

Je ferme les yeux pour entendre leur cœur battre. Tant que j’écris, leur cœur bat pour moi. Ils sont vivants, proches.

Penser les autres est mon activité. Les heures s’égrenent, soudain j’ai froid, le soleil est parti. Le temps s’écoule sans me lasser. Je ne serai plus jamais seule, jamais dans l’ennui, j’ai trop à faire avec eux. Cette pensée des autres prend de la place, toute la place, elle se lève, s’érige peu à peu comme une évidence. D’une intention, elle devient dure comme une vérité, la mienne.

Je ne sais plus distinguer les voix des autres de la mienne. Leurs visages sont éclairés de ma lumière, je les regarde à partir d’ici. Je mets mes mots dans leur bouche, je les décris à partir de moi, j’aime en eux ce qu’il y a en moi, et aussi ce qu’il manque en moi.

Je ne sais plus très bien où est la frontière entre leur existence et la mienne. Quand je les écris, quand je les pense, ils sont en moi et moi en eux.