Avec les orangers

Nathalie Ohana
2 min readJan 14, 2023

C’est dans le calme de ce matin d’automne, bénie par cette lumière cotonneuse, qui me chauffe sans trop s’imposer, que je me promène à travers les orangers. Leur abondance me paraît trop évidente pour être réelle.

Mais cette promenade est interrompue par mes pensées qui m’appellent. Alors, je m’assois sur la terre encore mouillée des pluies de l’avant veille, avec juste ce qu’il faut comme inconfort pour arracher un peu de sincérité.

Ce matin, j’ai tout entendu, tout vu, tout rencontré. En descendant ma pente habituelle, avec les champs en friches sur ma droite, et les arbres fruitiers sur ma gauche, oui je les ai entendus. Tous, je les ai entendus.

Ils n’étaient pas disciplinés, ils parlaient tous en même temps, les morts comme les vivants, les nouvelles rencontres comme les amis de toujours. Chacun me racontait ce qu’il avait sur le cœur en s’excusant de me charger, tandis que mon vélo semblait s’envoler dans les airs…

Ils ne voulaient pas sourire au début, mais face à cette nature qui cavale vers encore plus de profusion, ils ont cédé, et un rayon de soleil a traversé leurs paroles désordonnées.

Ce sont souvent les jours où je suis la plus légère qu’ils ont envers moi la parole la plus grave. Mais je les ai entendus, je les ai vus, je leur ai dit si j’étais d’accord avec eux ou pas, et ils m’ont fait un signe de la main, alors je suis passée. Comme par enchantement, la barrière s’est levée, j’ai suivi son mouvement jusqu’au ciel, et d’un simple signe de la tête, ils ont compris que je les entends.

Recueillie dans ce silence, je me suis mise à écouter la nature. Peu à peu, j’ai entendu l’eau qui crépite sous les tuyaux d’arrosage, j’ai entendu les insectes qui s’affairent vers leurs besognes, j’ai entendu les bois secs des arbres qui se désagrègent avec lenteur et patience.

Au fur et à mesure, la nature est devenue bruyante alors que je la pensais muette.

Comme ces visages, qui derrière de grands sourires, vous proposent d’accéder à une vérité qu’ils n’osent vous confier. En espérant que vous verrez quand même.

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Nathalie Ohana

J’habite en Israel, mère de 3 enfants, j’aime raconter des histoires et suivre les parcours de vie à travers mon programme www.haimrabim.com